Jan Maï
Jan Maï, artiste peintre, poète, musicien...
Né à Oran en 1944, Jan Maï grandit en terre africaine, Sénégal, Congo, Madagascar avec de fréquents retours sur les lieux d'origine de ses parents en Bretagne. Premiers mots en bambara et pêche aux berniques sur la côte bretonne définissent dès le départ son appartenance au monde dans la diversité de ses cultures. De retour en France, étudie à Paris peinture, sculpture, graphisme et peint ses premières temperas informelles influencées par Tal Coat, Arpad Szenes.
Débute alors pour lui la série des longs voyages et séjours ailleurs qui sont l'espace familier où il aime se mouvoir, découvrir, et qui nourrissent son travail. Pays d'Europe comme l'Italie mais aussi la Grèce, la Crête, le Moyen Orient, l'Anatolie, l'Iran, l'Afghanistan... et long séjour en Inde.
En 1975, retour en Bretagne. Longs parcours à pied à travers la Bretagne dans une très grande intimité avec la nature. En résulte les cycles et variations autour des saisons et des lieux dans une écriture libre s'attachant à transcrire la poésie et la musicalité des atmosphères. Travaille par séries, explorant l'espace secret : « Pierres écrites », « Pierres de la nuit », « Stèles », « Empreintes » et l'espace ouvert « Suite d'Octobre ». Travail directement lié à la marche et à la présence au monde. Au cours de ces marches, réalise en lignes d'erre des interventions votives ou chamaniques de pierres, de bois, de branches, de feuilles, dans un travail de l'éphémère particulièrement aimé. Correspondances et publications avec Kenneth White. Expose à l'Or du Temps, à la Maison Prébendale, au Château de la Roche Jagu, au Centre Culturel Américain, à Paris chez Solange Fasquelle, à la Galerie 27...
Séjours en Toscane où il travaille à la « Suite Toscane » dans la région de Sienne. Séjours en Catalogne et en diverses régions de France : bords de Loire, Provence, Limousin où il explore population et lieux dans des travaux à long terme étalés sur plusieurs années. Ici encore, procède par cycles, travaux in situ, porte-folios, séries, variations, explorant et approfondissant des thématiques spécifiques : thème de l' « embrasure », « chemin du fleuve », « l'esprit des forêts »...
Il développe plus particulièrement les travaux in situ et in natura en relation directe avec la population, le paysage, la nature. Dans de petites vallées, travail de l'éphémère de branches, de feuilles, de pierres et terre venant de la nature et y retournant. A organisé des manifestations d'art contemporain « rencontres d'été » à Tréguier, « saisons d'une vallée » à Kermoroc'h, Café des Arts à Saint-Brieuc, etc..
Peintre, poète, musicien en relation intime avec les diverses cultures du monde, Jan Maï est décédé en juin 2011.
Hommage...
par Tanguy Dohollau
Jean-Marie Caillibotte, dit Jan Maï, naquit en 1944. Il passa son enfance en Afrique et en France, en Provence et en Bretagne, entre Pléneuf Val André et St Brieuc, "dans la lumière de la baie". Il aimait dire aussi "Val Adret" en évoquant de modestes cultures de quelques ceps de vigne qu'il y aurait eu en ces lieux jadis.
Il sera attiré très tôt par la peinture, et adolescent, au cours de ses séjours à Paris, il découvrira dans les Musées et les galeries "les primitifs italiens et flamands, la peinture de Tal Coat, Szenes, Tobey, Bissière, Hans Reichel, Fautrier". Il avait une affection particulière pour Hans Reichel, peintre modeste et méconnu proche de Paul Klee. Passionné par l'atmosphère artistique parisienne, il s'installera plus longuement dans la capitale. Il y croisait Alberto Giacometti et Pierre Alechinsky entre autres peintres qu'il appréciait. Il découvrira aussi en ces années les peintures de Zao-Wou-Ki, Léon Zack, et d'Olivier Debré qui le marqueront.
A partir de la deuxième moitié des années 1960, il voyagera : "Le Neguev, la Mer Rouge, les rivages de Grèce et de Crète, l'Anatolie, l'Inde et la blancheur du Toit du Monde". C'est surtout l'Inde dont il s'imprégna profondément le plus. Il se nourrira des textes fondateurs et de la musique de ce pays. Il jouait de temps à autre de la flûte traversière, et les mélodies qu'il composait faisaient écho aux chants multiséculaires de ces contrées. Ce furent des voyages réels ainsi que des voyages imaginés. Lors de ces années, il "étudie les voies de l'Orient et d'Occident et les oublie" déclarera-t-il. Il en était pétri et il restera toujours sensible aux chemins divers de la pensée.
Revenu en Bretagne, à partir des années 1975, il y exposera ses peintures ainsi que plus occasionnellement à Paris. Il se fixera au bord de la Baie de Saint-Brieuc, à l'est, du côté de Pléneuf-Val-André et d'Erquy, retrouvant des lieux chers à son enfance et adolescence, en peignant "dans l'espace ouvert du rivage". C'était son territoire de prédilection qu'il arpentera en toutes saisons. Il en exprimera le souffle aux variations subtiles par ses peintures. Il était à l'écoute de tous les paysages comme ceux se trouvant inscrits sur les pierres, les écorces ou les coquillages. Quand il présentait ses peintures, il joignait souvent ces éléments de la nature dont il était très proche pour montrer que ce qu'il réalisait y était relié.
Il peignait inlassablement, et il n'était pas rare qu'il repeigne sur la même toile une nouvelle peinture pour un temps avant de la recouvrir par une autre peinture plus tard.
Il aimait les livres, et il en composera lui-même. "Mes livres, en général, sont un peu comme des carnets de bord". C'était les carnets de ses voyages intérieurs aussi. Il les remplira surtout avec ses peintures auxquelles il ajoutait parfois quelques-uns de ses poèmes.
Il s'était trouvé un pseudonyme pour signer ses peintures à la fin des années 1980 : Jan Maï. Jan signifie "peuple" en langue indienne (Inde). On peut sans doute y percevoir aussi un attachement pour les peintres flamands et pour l'univers ancestral breton avec le nom Maï. On peut y déceler également une connivence avec les peintres chinois des périodes allant du XIIIème au XVIIème siècle qui changeaient parfois de nom. Jean-Marie Caillibotte se sentait proche de l'esprit de ces artistes. Il était tour à tour, comme eux, poète, peintre et musicien. Il aimait beaucoup la poésie des Tang dont celle de Wang Weï.
A propos de son oeuvre il dira qu'elle se voulait "précieuse, simple, modeste", et de lui il précisait "Je suis quelqu'un d'assez intimiste." Il était aussi très discret. Il se tenait volontairement en retrait loin du brouhaha tout en étant toujours à l'écoute des êtres et des choses qui l'entouraient. Il y prêtait une grande attention. Il se préoccupait aussi de l'évolution de notre société avec inquiétude mais aussi avec de grands espoirs pour une meilleure harmonie dans l'avenir.
Au cours des années 1990, il commencera à fréquenter avec bonheur d'autres rivages. Ce seront ceux de la Loire qui l'enchanteront et qui lui offriront une nouvelle orientation à sa peinture sans cesse en mouvement. (texte de Tanguy Dohollau)
"ce n'est jamais le même fleuve..." Héraclite
"... et c'est pourtant le même, toujours autre, toujours changeant, naissant à chaque instant, eaux de lumière, eaux profondes, roulant leurs courants mêlés au temps, inlassablement, constant, variant sans cesse, se perdant parmi les sables ou inondant les berges, et plus loin encore détruisant, créant, riche de toute la richesse du monde, de toute sa violence, de son calme sans âge.
... assis parmi les herbes, on écoute le fleuve, et on comprend..."
Jan Maï 2010
Autour de l’œuvre du peintre et écrivain breton Jan Maï…
Jan Maï (Survol… Bran du Aout 2011)
Peintre et écrivain dit-on, ayant résidé quelque part en Terre de Bretagne…. Une œuvre « intimiste » peut-on lire encore…. C’est un peu court pour une telle somme !…
Intime, elle l’est cette œuvre avec ses recueils uniques et de différents formats, avec des lignes manuscrites ou parfois dactylographiées et surtout des espaces, beaucoup de respirations… Ceci est du registre de l’attouchement, quand l’amour ne s’est pas encore délové de son feux… Difficulté de trouver une juste place au sein de tant de beautés vagabondes… Etre de ce rivage où se tient l’effleurement, mais sans jamais pouvoir s’y tenir vraiment… Et dire que l’on s’efforce encore de mettre un arc-en-ciel en cage !…
Une économie d’éloquence… L’équilibre permanent et autant précaire dans la mouvance perpétuelle de ces gravitations qui s’enroulent autour de la Vie… Le lieu et la formule dans des conjugaisons faisant l’impasse sur les attributs et les épithètes, laissant au blanc le soin d’opérer les coordinations…
La vacuité en effet mais une vacuité heureuse, lumineuse malgré le cortège enténébré du quotidien… Une femme, un enfant, un arbre, une plume d’oiseau et le monde reprend visage… et le visage de sourire…
Quelques uns de ses livres et poèmes....
Pays d’ombre - Chemins secrets (d’herbe et d’eau) - Terres profondes - Talus d’été - Les lisières de sable - Orée - Ecume et neige - La jeune sente - Lumière de l’été - Jeux d’encre - …. Sur un sentier se faisant… (Titre de livrets « uniques » faits cœur et main)
Orée « …/… Des enfants courent sur les eaux, sautent par-dessus les vagues, des enfants blonds et bruns, des enfants sombres comme la nuit, des enfants au rire d’or, à la jeunesse invaincue, des enfants de l’aurore, d’autres contrées, les enfants de la beauté nue… Par milliers riants, des enfants courent sur les Eaux. »
Passant et pèlerin, équilibriste et jongleur…. Le fil tissé d’ombre et de lumière…
Visiteur infatigable des « dix mille pays de l’âme »…
Et tous ces pas qui glissent parmi les sables, toutes ces dunes épousées…
« Sunyata » ; l’étrange nudité du réel »… Le lieu en son milieu entre eaux dormantes et tournantes… La main en ses labours, la main qui ensemence…
Cela qui ne se laisse approcher que si nous savons fermer les yeux en l’ouverture du cœur… Cela qui, dans la virginité de l’aube, nous offre une « Terre matinale », cette rosée qui s’abandonne au pentu de la feuille, au pentu de la peau…
Intimité est-ce mot qui remonte des profondeurs avec un chant de source pour qui saura y boire….
Terre matinale (Surya Shakti)
« Jeune femme
Elle surgit limpide
Vêtue de transparence
Apportant avec elle
Son pays infini Un bruit d’eau fraîche
Et de brise mêlées
Les collines douces
Les herbes rousses dans le vent. »
Jan Maï… Appel au vent frais
Ici, c’est le silence
Et le charme enjoué
Parmi vagues et vents
Toute jeune naissance
D’un puissant pas.
Légère
Tête nue pieds nus
La fraîcheur accompagne
Rieuse et grave
En ses demeures.
La brise pluvieuse
Les plages de l’aurore
L’inexprimable calme
Sont seulement un peu
De sa simplicité.
L’écume aux chevilles
Vent frais sur les épaules
Goutant cette bénédiction.
… Bruissante encore
Des pluies
Et des orages de la nuit,
La mémoire
Est cette pierre lisse
Parmi les herbes,
Où se lisent
Les traces à demi effacées
Du voyage.
« Un chant sur les rives du gange
Le rire d’une fille à Florence,
Un long hiver… »
Mais déjà,
L’appel des oiseaux
L’envol d’ailes blanches
Balaient le seuil,
Ouvrant
Les chambres du matin…
Plus loin, là-bas
En détournant la tête,
C’est l’ancienne lisière
Où s’estompent les souvenirs.
Le labyrinthe obscur
Les éclats éphémères
L’élan et le retrait.
Devant
Dans la nudité claire
Se lèvent les signes auspicieux.
Appel au vent frais,
Vagues d’un monde naissant.
La lumière nous parle
En un langage familier.
… Dans le buisson aussi,
La grive chante
Ivre de l’air pur
Et de feuilles lavées.
Eclat d’argent
Sur l’herbe souple
C’est une Terre neuve
Qui s’éveille
Non un champ dévasté :
La jeune beauté vive,
La grâce printannière…
… A peine découvrant
Pieds nus,
Douceur des Dunes,
La fraîcheur des sables
Où rien ne sait inscrit.
L’écume
Cette heureuse lumière
Invitent
Dans la brisée des vagues
Au geste délié.
Et notre élan apprend
La beauté neuve de l’aurore
Dans les fleuves du vent…
Près des parvis ouverts
Et lisses du matin
L’églantier fleurit
Et passé les fontaines,
Le marbre ancien,
Des voix jeunes invitent
Dans la matinée pure
Nous nommant
D’un nom
Que nous ne savions pas…
GRISES D’OCTOBRE Jan Maï
Journée grise d’octobre / prenant le train vers le Sud / Longues heures au rythme des boggies / A la vitre de pluie / sans fin / contemplant le paysage qui s’enfuit / à peine entr-arperçu et déjà disparu / Petites gares intemporelles/ Pays d’oubli / feuilles éparses / eaux songeuses / ville endormie / rouille des quais / vent humide dans les hangars / presque l’hiver déjà…
Lignes électriques Prairies de pluie…
dans le ciel gris, le héron gris
vols de palombes la buse rousse
Petite gare Près du ballast,
en plein automne énormes et ronds
dérivant… potirons jaunes.
Ivre de pluie Pas une grappe,
le fleuve large bientôt l’hiver
noie ses rives. des vignes blondes !
Gare de Clisson Volant au vent
les pins balancent parmi les feuilles
hors du temps épouvantail
Sous le crachin Le Pays plat
ombres d’eux-mêmes aux toits de tuile
les tournesols comme il est vaste !
Voie ancienne Parmi les brumes
entre les rails deux ou trois arbres
croit l’herbe folle tout là-bas.
Perdu de feuilles Seul
près du canal, au mitan de la plaine
ville oubliée le pont étroit !
A mille pas Si vulnérable
là-bas derrière les arbres et lisse
sentant le large. la côte océane !
Sinon le passage du train, A Montendre
rien clair obscur du soir
en ce pays de pluie. nulle colline.
Rêve et rouille Ombre dans l’ombre
vieux entrepôts épouvantail
à la lisière. sur les labours.
Les eaux du fleuve Nuit sans lisière
l’élan du pont ! dans la campagne,
le ciel si vaste. un feu de bois !
Jan Maï : Sur le sentier se faisant….. (Extraits)
« La sagesse est e naturel par excellence…
Désirer le plein, c’est s’exposer au vide. On ne peut atteindre au naturel on ne peut que le laisser s’exprimer…
La souffrance ne peut exister dans le naturel…
L’artificiel c’est la recherche désespérée du naturel…
Sois la nature toute entière dans son rire et son immense gravité, consciente et libre, ne t’attardes pas à composer…
La souffrance comme le plaisir sont des formes perverties de la joie…
Découvre plutôt la joie d’être…
Ne vénérons pas la souffrance, ne la mésestimons pas non plus. Le moindre brin d’herbe t’enseigne…
En vain t’efforces-tu de comprendre. Tu te cognes la tête contre les murs. La compréhension est là lorsque tu t’ouvres à elle et laisse sa lumière éclabousser toutes choses…
Quoiqu’il n’y ait pas de chemin ni de but défini, il y a cependant, pas à pas, des découvertes au fil du présent dans le courant de la vie quotidienne qi tôt apparues, si tôt disparues…
Je crains que nous ayons peur du changement réel qui ouvrirait l’espace de l’inattendu…
L’aire libre permet la danse…
C’est la vastitude qui dissout ce qui doit être dissout…
Là où est le moi comment pourrait être l’Amour ?…
Là où chante l’Amour le musicien disparaît…
Le musicien se tourne vers la source infinie du chant et c’est elle qui chante…
Le monde des conventions établies ne peut être celui du libre essor de l’Amour…
Etre libre du moi c’est respirer…
Il n’est pas de fin au duel de la dualité…
Ce n’est pas nous qui faisons…
Aimer ne peut jamais être un savoir…
Vit ou meurt mais dans l’amour…
Ne pas savoir est l’espace qui permet à l’intelligence de l’Amour d’éclore…
Suis la Nature toute entière alors tu sauras aimer…
(Toi et Elle n’êtes pas séparés)…
Ainsi comprend que haïr quoi que ce soit, c’est te haïr toi-même…
L’amour vrai est un véritable danger pour toute société établie…
Ce qui est libre n’a pas besoin de se libérer…
La nudité est un mot à oublier si l’on souhaite qu’elle soit…
Toute richesse émane de la nudité…
C’est seulement la nudité pure qui laisse s’exprimer l’indicible…
Oublies tes savoirs car tu ne sais rien alors tu pourras sans fin découvrir…
Nous nous épuisons dans la recherche de ce qui est là…
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Jan Maï : Talus d’été Haiku (extraits)
Sous le couvert
Longues fougères
Chant du bouvreuil…
Jardin d’écume
Sables et roches
Le vide clair !…
Du petit bois
Elle garde l’entrée
La rose sauvage !…
Avec le vent
Elle dialogue
L’herbe sensible…
Dans la prairie
La vieille barque
Comme elle navigue…
Dans la paume
Le galet rond
Tout un monde…
Dans les années 1995, création de l'association "les Arts Vivants"
et notamment un travail avec la Vallée du Perrier à Kermoroc'h, et Gilberte Riou !
l'Art dans la nature !
Catherine Urien, Jean-Luc Bourel, Jan Maï, Gilberte Riou, Tanguy Dolhollau
quelques souvenirs d'échanges avec les artistes catalans...