Athali et Armel Hédé
du 25 octobre au 14 décembre 2008
Galerie Isabelle Goude - 11 rue Amiral Charner - Pléneuf Val André
Affiche octobre 2008 (526.87 Ko)
texte présenté dans la revue INCOGNITA (10 pages sur l'artiste), 2008
Peindre, c'est capter l'âme des choses
c'est montrer l'invisible.
Dans son mutisme, la peinture dit parfois plus que les mots, elle exprime autre chose, l'ineffable, la part d'inconnu que l'on n'arrive pas à toucher, à peine évoquer et difficilement à imaginer. Nous la doublons trop souvent de paroles phagocytant la relation naturelle que l'on a avec elle.
Quand je peins, je redonne toute la place à mon intuition, doublée de mon imagination. J'accepte de rester dans les flous de la vie, dans ses marges, celles de la non-rationalité, de la non-vérité et de la fragilité. Je laisse à cette part cachée et difficile à dévoiler la possibilité d'exister.
Si j'ai choisi de peindre sur le tondo, c'est pour l'attirance que j'ai toujours eu pour le rond et comme par une nécessité intérieure ; peut-être aussi pour contrecarrer notre monde cartésien et anguleux. Nous parlons d'ailleurs d'angle de vue, j'aurai plutôt une vision physique courbe ou sphérique.
Dans ce monde en mouvement, j'essaie aussi de capter par des formes ce qui est immanent et ce qui touche à l'universel : peut-être les deux facettes d'une même recherche. Par ces formes suggestives (noyaux d'âme, pépins terrestres, horizons) j'évoque l'origine, le mouvement, la force centrifuge, l'atome, l'espace, le vide, l'inconnu, l'infini, l'enfermement et la liberté, l'unité de nos dualités. Dans ces halos insaisissables se dessinent les contours approximatifs du mystère de la vie.
La matière est un élément absent de nos sociétés de plus en plus virtuelles et lisses d'apparence. A contrario, j'ai ce besoin d'être en contact avec des corps vibrants, des éléments organiques et énergisants car la matière agit comme une attraction sur l'esprit.
Dans cette écorce picturale, je dis l'épaisseur de nos vécus et la translucide imperméabilité du temps qui les voile, l'opacité de l'hors champs de nos vies et la rugosité de « l'air du temps ».
Ces peintures, morceaux de matières intemporelles sont autant de palimpsestes d'illusions et de réalités.
Peindre, c'est essayer d'être dans un état de plus grande réceptivité pour capter ce que l'on ne perçoit plus dans l'empressement de notre quotidien. C'est aller à la source et prendre le temps de ressentir les vibrations venant de toutes parts. C'est essentiellement l'expérience sensitive et émotionnelle du monde.
Peindre, c'est affiner ma perception, limer ce qui obstrue notre regard et retrouver dans sa transparence notre humaine condition.
Athali, mars 2008
Bien sûr, comme nombre de céramistes, j'ai commencé par faire de l'utilitaire, ce qui m'a donné - après 16 heures de stage avec Cyril Dor en 1975 - la maîtrise technique et le bonheur indispensables pour continuer et me lancer à fond dans le travail de la porcelaine. La Chine des Song du Sud me fascine depuis toujours et ma situation d'autodidacte m'a laissé une grande liberté pour tenter de les rejoindre, sans céder au poids d'aucun modèle.
Mon seul modèle est celui de la nature, au sein de laquelle j'aime me plonger, qu'il s'agisse de mon jardin ou de nos grèves bretonnes, nature où je puise par osmose certains effets proprement artistiques. Les formes, très classiques au départ, se développent à la suite de croquis ( comme mes actuelles chrysalides ou coléoptères découverts près de ma mare ) ou encore par le simple jeu naturel du tournage qui permet aux formes d'évoluer spontanément vers d'autres volumes, de nouveaux équilibres. Le décor, son dessin, sa matière, eux aussi proviennent de la nature : monochromes, rouge de cerise, vert de feuillage, noir d'ardoise, blanc moucheté façon œuf de caille, mais surtout céladons très variés venus du mariage du ciel et de la mer, déployés sur de fines incisions d'herbes folles ou de vagues océanes, porcelaines enfumées aussi, façon raku - une autre face de mon travail - plus contrastées, plus mouvementées, liées peut-être au spectacle des champs de varech à marée basse, comme aux lourds nuages des orages marins.
Ma passion boulimique m'entraîne toujours plus loin tant du côté de la recherche d'émaux qu'en direction de volumes plus grands . Pour me faire connaître je participe à des marchés de potiers, je fréquente quelques galeries, mais ces rencontres, si elles sont nécessaires, ne doivent pas venir altérer la continuité de la démarche intérieure, le goût de la recherche autonome . Notre plus grand problème est que - par quel mystère ? - la céramique ne soit pas reconnue en France comme un art majeur, au même degré que la peinture, comme dans bien d'autres pays, même en Europe et ne dispose pas de relais suffisants . La France est riche d'excellents céramistes et la Bretagne n'est pas la moins riche de ses régions : aux amateurs le bonheur de les découvrir .
Interview par Jean-François Juillard